« Après une année difficile suite à une blessure qui l’aura complètement éloigné du surf, le jeune Kyllian Guérin nous est malgré tout revenu en super forme lors de la dernière étape du Crevettes Tour de Biscarosse fin Septembre dernier qu’il remporta. Une victoire, comme une récompense après tant d’obstination et de travail afin de revenir au top niveau. Le jeune Seignossais de 11ans, licencié au Capbreton Surf Club, nous raconte tout cela , sa relation privilégiée avec son père, ses voyages, ses passions et sa vision des choses dans cet interview exclusive rapportée par Johann Mouchel. »

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Kyllian, toujours le smile, peut être aussi un peu ça qui fait la différence…

Salut Kyllian peux-tu faire les présentations et dans la foulée nous dire comment se fait-on repérer et sponsoriser si tôt, à seulement 7 ans ?

Bonjour, je m appelle Kyllian Guérin, j ai 11 ans et j’habite à Seignosse. J’ai débuté le surf à l’âge de 4 ans avec mon père au Costa Rica. J’ai tout de suite adoré  et depuis je suis toujours dans l’eau, c’est ce qui rythme la majeure partie de ma vie. Quand j’avais 4 ans, j’ai fait plein de photos pour les catalogues Quiksilver. On me disait alors que j’avais une bouille de petit surfeur. Ensuite, quand j’ai commencé à surfer, Gilles Darqué de chez Rip Curl m’a repéré à Seignosse, et il a proposé à mon papa de me sponsoriser. J’avoue que je ne comprenais pas vraiment ce que cela voulait dire, alors mon père m’a expliqué et j’ai dit oui.

Tu vis donc entre Seignosse et le Costa Rica, mais tu as également déjà beaucoup voyagé. Es tu conscient de vivre le rêve ultime de tout surfeur, le mythique ENDLESS SUMMER ?

Oui, j’ai la chance de beaucoup avoir bougé pour mon âge. J’ai fait mon premier tour du monde avec mes parents à 5 ans. Il paraît même que j’ai été conçu à Bali, donc tout petit j’étais déjà dans les airs, c’est peut être pour ça que j’adore l’avion ! Autrement, je suis allé plusieurs fois aux Mentawaï, à Bali, en Australie, aux Etats-Unis, au Panama, Portugal… C’est vrai que pouvoir surfer dans l’eau chaude l’hiver, cela m’a permis de bien progresser. Quand on est tout petit, on a souvent froid dans l’eau alors l’hiver en France, c’est vraiment dur. Je ne crois pas que j’aurais autant surfé si je n’ avais pas eut la chance de grandir une partie de l’année en Amérique Centrale.

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Et oui à 5 ans déjà…

Justement, est-ce le même fonctionnement pour une journée type à Seignosse et au Costa Rica ?

La journée au Costa Rica commence plus tôt car là-bas on vit vraiment au rythme du soleil et comme l’eau est chaude, ce n’est pas trop difficile d’être à l’eau dès le lever du jour. Mais en grandissant, je commence à faire la même chose en France, quand les conditions sont bonnes. C’est là que l’on a souvent les meilleurs surfs. Ensuite c’est école à la maison. Repas, puis école ou préparation physique, yoga. Puis, suivant les vagues, je fais souvent un autre surf. Sinon, je profite de mes amis quand ils sont là et de mon petit frère aussi, je joue à la Playstation ou je regarde la télé et me repose.

Concernant les études, c’est papa qui s’y colle ?

Oui, il me fait l’école depuis le CP. C’est un bon professeur et avec l’expérience maintenant, il est plus patient qu’au départ, même s‘il reste sévère et exigeant. Donc ça se passe bien et nous avons pris tous les deux notre rythme.

Ancien Snowboarder pro, étrange que papa Jedi ne t’ai pas poussé vers sa discipline ?

Si, il m’a plusieurs fois amené à la neige et j’ai aussi fais du snowboard avec lui. J’adorais ça, mais pas comme le surf. J’aime la neige mais c’est vraiment dans l’eau que je me sens heureux.

Quelles sont tes autres occupations à part le surf ?

Avant je faisais beaucoup de skate, mais avec ma blessure, j’ai du faire des choix. Autrement j’aime la musique, je fais de la voile et je vais me mettre au golf.

Te rends-tu compte des différentes casquettes que porte ton papa et des concessions que fait ta famille pour toi ?

Bien sûr, il passe beaucoup de temps avec moi, on s’entend bien heureusement. Et puis professeur, cameraman, coach… tout ça c’est du boulot, mais c ‘est avant tout mon papa et il n’oublie jamais cela. Ils me soutiennent à fond dans mon rêve et sont pour moi les meilleurs des parents. Entre le développement de  la marque de Bijoux de ma mère : « Une A Une », mon petit frère, il a fallu s’adapter et se partager. Ce n’est pas évident et il m’arrive de ne pas voir ma mère pendant plus d’un mois. C’est dur pour moi et pour mon papa. Mais je sais que c’est le prix à payer comme disent les grands. Pour accéder peut-être un jour au haut niveau, il faut être prêt à faire beaucoup de sacrifices. Mon Coach au Costa Rica « Diego Naranjo » me l’avait expliqué quand j’avais 9 ans. J’avoue qu‘à cette époque, je n avais pas vraiment compris, maintenant je sais ! Mais je reste plus motivé que jamais.

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Les conseils d’un papa, parmi les plus précieux

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La famille, un repère des plus importants pour Kyllian

 

C’est hyper dur mais il y a pire dans la vie, je l’ai appris en étant pas mal dans les hôpitaux justement, j’y’ai vu d’autres enfants qui avaient bien plus qu’une simple blessure au genou… Kyllian Guérin

 

Qui dit études via le CNED dit pas trop de copains d’école, cela ne te manque pas, toi qui es si jeune ?

Si, c’est parfois dur mais je me suis adapté. Je vis beaucoup avec des adultes mais je suis encore vraiment un enfant même si tout le monde dit que je suis très mature pour mon âge. Ensuite, je me fais des copains en voyageant et c‘est cool aussi. C’est différent, comme la vie que je mène pour mon âge.

Cela fait partie des sacrifices pour atteindre son rêve, surfeur pro ?            

Oui, encore une fois Diego m’avait parlé de tout ça, de ces anniversaires que j’allais rater, des fêtes de mes copains où je ne serais pas là, des séparations avec ceux que j’aime, de cette vie parfois un peu plus solitaire pour mon âge. Mais il m’avait aussi parlé de la joie de me réveiller le matin pour aller surfer, de ces moments où je découvrirai de supers vagues, de nouvelles rencontres  à l’autre bout du monde, et de la joie après une victoire en compétition ou  après une super session. Alors pour moi, ce ne sont pas vraiment des sacrifices car je fais vraiment ce que j’aime et que j’ai choisi.

Un rêve bousculé suite à deux grosses blessures un peu bête, comment vit-on si jeune le fait de rester au lit avec les vagues juste à côté ?

C’est hyper dur mais il y a pire dans la vie, je l’ai appris en étant pas mal dans les hôpitaux justement, j’y’ai vu d’autres enfants qui avaient bien plus qu’une simple blessure au genou. Me retrouver en fauteuil, m’a montré le regard des autres, alors j ai encore plus pris conscience de la chance que j avais, même blessé. Je me suis donc mis dans ma bulle et j’ai attendu. La 1ère fois, ça a été plus facile que la seconde. J’étais plus petit. Mais la seconde m’a vraiment appris beaucoup…

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Les gauches à l’autre bout du globe…

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…ou bien les droites à la maison, pour Kyllian tout est bon

Tu sembles avoir beaucoup retenu de cette blessure me disait ton père qui a été d’un grand soutient encore une fois pendant ce moment plus que difficile, un mal pour un futur bien ?

Mes parents m’ont vraiment bien aidé. L’hiver dernier a été très difficile mais il m’a encore fait grandir. Tout va bien, on rentre de voyage au top et puis en un instant tout bascule. On se demande pourquoi moi ?  En plus au foot avec les copains. Mais c’est comme ça. Il paraît que les choses n’arrivent jamais par hasard. Alors on essaye d’être positif, de se battre et on revient en ayant assimilé beaucoup de choses..

Arnaud Darrigade dis de toi que ce qui fait la différence entre toi et d’ autres jeunes c’est ta maturité et ton côté gros travailleur, surprenant pour un jeune garçon, ce sont les valeurs de la famille inculquées à ton surf ?

Je ne sais pas vraiment mais je pense qu’il faut travailler pour y arriver et toucher son rêve, et que  rien n’est jamais acquis. C’est ce que mes parents m’apprennent tous les jours et me rappellent parfois. Quand je me suis blessé, j’ai dû me battre pour revenir physiquement. Quand tu surfes, même si c’est du plaisir, il faut aussi parfois travailler, essayer, refaire et comprendre pour bien faire une manœuvre, corriger un défaut. Quand Arnaud m’explique un truc, qu’il me dit de faire une chose pour progresser alors je dois le faire et c‘est ce que j essaye à chaque entraînement.

Tu es plus à l’aise dans la taille, parles nous de cette passion pour les grosses vagues ?

J’aime bien les grosses vagues depuis tout petit. A 6, 7ans déjà, mon père me poussait dans de grosses vagues pour mon âge. Ensuite il y a eut ce gros jour à Bocas del Toro au Panama, il a fallu s’engager. J’avais juste 9 ans. Mon père m’a poussé sur les vagues hyper puissantes du spot de Paunch et le lendemain, j’y étais seul à la rame. Au costa, j ai surfé un bon 2 m 50 solide à Salsa Brava quand j’avais 10 ans. La première fois que je passais 2 vagues sous l’eau…  Et juste avant de partir, pendant le Quik Pro, je me suis fais quelques belles sessions au VVF à Capbreton, bien creuses et puissantes.

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La perfection Indonésienne en tshirt…

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…ou les gros barrels landais en intégrale, l’embarras du choix

Tu viens de faire également un stage d’apnée avec Gautier Garanx nommé aux Billabong XXL AWARDS, vous explorez vraiment tous les secteurs du surf ?

Il est super Gautier, et m‘a fait partager son expérience. Il va m’amener faire un peu de Tow-in à mon retour. C’est incroyable cette vague qu’il a surfée l’an dernier ! Mon rêve c’est d’être surfeur Pro ou surfeur de gros. Peut- être les deux !!!

Tu dois encore parfaire tes manoeuvres dans le petit surf, des spots comme la Wave Garden sont-ils de bons outils de travail ?

Oui, La Wave Garden, c’est trop bien. J’ai adoré aller là-bas plusieurs fois. Cela te permet de travailler sans penser qu’il ne faut pas rater cette vague, car la même arrive encore. Donc tu peux bien répéter et bien t’entraîner. J’espère vite y retourner.

Stage d’apnée, Wave Garden, mais aussi Le Redbull Camp et la rencontre avec Shane Beshen, que t’a apporté ce camp ?

Le stage d’apnée était important pour bien comprendre comment garder son calme quand tu te fais secouer, cela apprend la rigueur et c’est top.

J’ ai fait 2 camps Red Bull en Amerique Centrale, c’était une expérience incroyable. En plus pour le premier camp, j étais vraiment le plus petit alors il fallait vraiment que je fasse de mon mieux. On a appris plein de choses, au niveau du surf mais aussi sur l’entraînement, la nutrition, le sommeil… Shane Beshen qui était l’un des coachs du camp était vraiment précis dans ses conseils. C’était pour moi l’occasion de le rencontrer, c’est l’un des meilleurs coachs et j’espère m’entraîner un peu avec lui dès que j’irai à Hawaii.

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L’entraînement version grand bleu pour Kyllian

Qui dit Shane Beshen dit Noah. Que t’inspirent ces kids comme Noah ou encore Kyuss King élévés pour être de futurs champions comme toi ?

Noah Beshen est dans le surf depuis toujours avec son père. Nous à la maison, c’était plutôt la neige, mais mon papa s’est bien adapté, et maintenant il préfère vraiment les vagues. Noah est très fort, il envoie de bons airs et carve bien, je regarde souvent ses vidéos, comme celles de Kyus  ou de Jake Marshall. En octobre, j’ai passé un peu de temps avec Kuys quand il est venu en France, il est très gentil et surfe super bien. On espère tous faire quelque chose, mais la route est vraiment longue, alors nous verrons bien.

La question s’adresse plus a ton père, on vient d’en parler, tu vis vraiment un rêve, avec de nombreux voyages, des stages avec de grands noms, le fait de connaître cela si jeune, n’y a-t’il pas un risque de possible lassitude une fois arrivé à l’adolescence ? Tout ne va pas trop vite ?

Arnaud : Je ne suis pas en mesure d’affirmer quoi que se soit, car on ne sait jamais, mais je pense que non. Tout ce que fait kyllian, cela vient de lui même si sa famille et ses coachs sont là pour le soutenir et l’aiguiller parfois. S’il faisait cela à contre cœur, ça ne marchera jamais. Ensuite, il vit des choses incroyables, il faut juste qu’il garde toujours conscience de la chance qu’il a et là c’est à moi de veiller au cas où mais pour l’instant pas de soucis !

Kyllian, tu reviens en super forme et c’est tant mieux, avec une belle victoire en remportant le dernier Crevette Tour à Biscarosse..

Oui, j étais vraiment content. C’était important pour moi, après tout ces mois difficiles. Arnaud Darrigade m’avait dit ok pour la faire si je ne me mettais pas de pression. C’est ce que j’ai fait et je me suis bien amusé.

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Aujourd’hui sa blessure semble être devenu plus qu’un mauvais souvenir

Quelle est ta relation avec les autres kids de ton âge comme Justin, Noa etc..?

On s’entend bien. Je suis justement parti en trip avec Justin Becret au Mentawaï, nous nous sommes bien motivés tous les deux quand c’était gros. Il me tarde de repartir avec lui.

Comment vois-tu ces prochaines années ?

J’espère bien progresser, faire beaucoup de voyages et quelques compétitions pour arriver en junior au top. Continuer à vivre ce que je vis est le plus beau des cadeaux, et puis avec ce que j’ai vécu, je profite de chaque moment, car c’est le plus important.

Je vais te souhaiter bon retour au Costa Rica et te laisse le mot de la fin.

Un grand merci à ma famille, à mes sponsors (Rip curl, Smith Optics, EQ, Vans, Xsories, FCS et Gorilla), à mes coachs (Arnaud, Yann et Diego), mes docteurs qui m’ont aidé à revenir (le docteur Knorr, Laurent, Aurelie, Roger et Michel ), mes amis et tous ceux qui me soutiennent et m’aident à vivre mon rêve.  Je suis tout jeune mais je sais que la vie réserve plein de suprises, bonnes ou mauvaises. En tout cas il ne faut jamais rien lâcher et se battre avec le sourire car on n’a pas souvent conscience de la chance que nous avons… ✓

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Bon trip au Costa Kyllian et à très vite dans les vagues du 40

 

Une interview de Johann Mouchel pour XLMag


Crédits photos : @Stephane Becret / @Arnaud Guerin / ©Jeff Ruiz (toute utilisation sans autorisation est strictement interdite)

 

Citizen of the world Feat.Kyllian Guérin