C’est notre Brésilien préféré bien sûr, champion de France Junior, Champion d’Europe Junior, double champion d’Europe et plusieurs années sur le circuit Pro WQS, Patrick Beven a ce double don d’être à la fois extrêmement doué dans sa discipline et extrêmement sympathique, accessible et altruiste, ce qui rend le personnage aussi attachant que plaisant à voir surfer de grosses barriques landaises. 

Salut Patrick, parle-nous de tes débuts dans le surf jusqu’au WQS ?

Salut, alors tout a commencé au Brésil bien sûr, lorsque mon grand frère m’a initié au surf. Il m’embarquait toujours avec lui lorsqu’il allait surfer, que ce soit en compétitions, pour ses voyages… Jusqu’à ce que j’arrive en France, lors mon enfance, où tout a commencé à se concrétiser pour moi. Je participais à beaucoup de compétitions qui avaient lieu (UNSS, Circuit Coupe de France, Championnat des Landes, de France, le circuit européen EPSA, championnat d’Europe..). Il y avait aussi d’autres compétitions, qui n’étaient pas sur le calendrier officiel et auxquelles j’ai participé aussi. Tout ceci a duré 5 ans, avant d’entrer dans le WQS. Mon grand frère souhaitait lui, que je me lance le plus tôt possible sur le WQS, mai., mon sponsor de l’époque voulait que je fasse mes preuves avant d’entrer définitivement dans le tour.

Alors, arrivant du Brésil, pourquoi le surf plutôt que le football ?

Mon grand frère toujours, a effectivement joué en équipe du Brésil de football donc oui j’aurais pu, mais il avait également un très bon niveau en surf et c’est lui qui m’a plus dirigé vers cette discipline plutôt que l’autre. Ce fut  donc comme un héritage familial qu’il m’a transmit tout naturellement, surtout en habitant près de la mer.

Oui mais comment on termine à Capbreton  plutôt que Hawaï par exemple ?

Je savais qu’en participant au WQS, je ne serai jamais à la maison, j’avais 12 à 15 compétitions par an dans le monde et certaines destinations, je restais même quelque mois (Australie, Hawaï, Californie). En France, là d’où vient mon père, je pouvais revenir et passer du temps sur le territoire. Et puis après avoir arrêté les compétitions, j’ai eu envie de m’installer ici, où tout avait commencé pour moi, Les sponsors, mes entraînements, et mes expériences sportives.

Revenons au WQS, que t’a t-il manqué pour accéder au Dream Tour ?

Sur les deux années où j’aurais pu me qualifier, je me suis blessé deux fois au genou, ce qui m’a beaucoup freiné. La troisième année je me suis rétabli, et je venais juste de me remettre de mes blessures, mais j’étais un peu perdu et je suis resté qu’à deux places de me qualifier. Le WQS c’est très dur, il y a plein de très bon surfeurs qui ne sont jamais rentré dans le WCT. Les vagues ne sont pas les mêmes, et il faut toujours être très régulier au niveau de tes résultats.

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Comment se passe l’après carrière ?

Très bien, je viens d’avoir mon BE de surf, je donne des cours au Hossegor Surf Club et j’aide mon frère à donner des cours de Jiu Jitsu. En parallèle, je continue toujours de surfer bien sûr. J’ai passé mon diplôme car j’aimerais passer mon savoir à d’autres surfeurs. C’est quelque chose que j’aime beaucoup faire, enseigner, entraîner, aider et partager de bons moments dans notre élément. J’ai eu cette chance d’avoir ce bagage de Pro, dans tous ces pays, d’avoir surfer toutes ces vagues, d’avoir connu tous ces spots etc..tant de choses à transmettre..

Meilleurs et pires souvenir ?

Mon meilleur souvenir ce fut d’avoir gagné une compétition avec mon frère, chacun a gagné sa catégorie, lui en Open et moi en Junior.. C’était une compétition à la Marbella à  Biarritz. C’était une journée magnifique ensoleillée avec des superbes vagues, la compétition s’appelait le Marbella Surf Open .

Le Pire, une grosse chute à Cave, un spot au Portugal où la vague est très creuse et qui marche que lorsqu’il y au minimum 2 m au dessus du niveau d’eau. Je suis parti la tête la première, dès le take off. La vague faisait facilement 2m50, 3 mètres, et je suis tombé en plein dans le creux dans la zone d’impact, il n’y avait pas d’eau. J’ai eu beaucoup de chance. Rien ne m’est arrivé, Tiago Pires était juste devant moi et il n’en croyait pas ses yeux, j’ai vraiment eu très chaud ce jour-là…

Quel est le niveau de compétition du Dream Tour?

Je pense qu’indéniablement le niveau a augmenté. Il y a moins de surfeurs aussi, du coup ceux dans le WT deviennent de plus en plus complet sportivement.

Quel regard sur le surf Européen porte-tu aujourd’hui ?

Je pense que nous avons beaucoup de bons surfeur en Europe. Les surfeurs sont complets aujourd’hui avec toutes les vagues que nous avons. Mais malheureusement nous avons un manque de contests, un circuit avec plus de compétitions, pour que les surfeurs puisse se préparer pour le QS, histoire d’en faire de bons compétiteurs comme à la bonne époque de Miky, Eric Rebière, Tiago, Frédo, Boris, Didier, Russell, Carwyn Williams, Eneko, Aritz ou mon frère Yannick Beven ! Peut-être que j’en ai oublié quelques uns mais ces surfeurs là étaient de vraies machines de compétition et ils ont beaucoup prouvé que ce soit en Europe ou dans le monde. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque justement, il y a quelques années à peine, tous ces surfeurs là faisaient le circuit E.P.S.A.

De nos jours, on voit beaucoup émerger de jeunes surfeurs en tête du Dream Tour, alors qu’avant le Tour était plus le royaume des surfeurs plus mûrs.

C’est vrai, je pense que les jeunes surfeurs sont aujourd’hui ultra motivés, ils veulent vite faire parti du Dream Tour. Les choses ont changé.. Les petits, à à peine huit ans ont déjà tout le matériel qu’il faut, tous les entraînements adéquats. Il y a beaucoup plus de facilités pour eux aujourd’hui pour les aider à progresser et ils progressent vite. Mais les anciens sont toujours là, l’expérience et la vieille école sont leurs forces, un bon mix !

On voit beaucoup de fils de, exploser. Les fils de Beshen, Occy ou Piter. Penses-tu que ces jeunes soient avantagés à une époque ou le sponsoring fait grise mine ?

Peut-être qu’ils peuvent avoir un petit avantage, car aujourd’hui tout est plus accessible. Mais ce n’est pas tout ce qui compte. La volonté, avoir faim et le talent aussi. Vouloir ça ne veut pas dire pouvoir ! Comme disait Adriano, quand il a gagné son titre, son frère lui avait acheté une planche à 5 euro, sa toute première planche et de 5 euros il va devenir champion du monde. Je pense qu’aujourd’hui il faut s’accrocher, comme dit mon frère, entraînement dur, résultats facile .

Tu es un des surfeurs les plus sympathiques et qui joue le jeu avec les média. Les européens comparé aux anglo-saxons sont beaucoup plus frileux avec les médias, ou le photographe, pas trop de bonjours, peu de merci pour les interviews, ni de partages. Penses-tu que les européens ont encore du mal à gérer leur image ?

Perso, j’ai eu de la chance d’avoir eu un grand frère déjà professionnel dans le milieu du surf. J’ai beaucoup appris avec lui lors de ses propres interviews. Ensuite nous avons beaucoup voyagé avec de grands photographes comme Sylvain Cazenave, Bernard Testemale, qui nous ont énormément appris aussi à jouer ce jeu, à respecter, partager.. Nous sommes une famille, chacun a besoin de l’autre pour exister. Et puis les bons moments, les trips ça ne reste pas que dans l’appareil, nous les vivons aussi ensemble que cela soit avec un caméraman, un photographe ou un surfeur. C’est ça la vie, le life style.

Tu n’es plus sur le Tour, mais tu restes le surfeur le plus en forme, tu pratiques le JJB avec ton frère etc…

Encore une fois j’ai de la chance d’avoir un frère très sportif qui a réussi à être au top dans pas mal de sports : professeur de capoeira, jiu-jitsu, yoga et aussi professionnel de foot et de surf pendant des années ! Yannick m’entraîne au J.J.B. Son entraînement est très complet, que ce soit pour le surf comme pour plein d’autres choses, il fait un mix de tout ce qu’il a apprit, que ce soit physique ou psychologique, grâce à ces entraînements je me préserve et m’entretiens au top de mes capacités. Grâce à lui, j’ai pu transmettre tous ces entraînements là à Adriano qui a décroché une troisième place ici au Quik Pro. Ce n’est pas parce qu’on ne  fait plus de compétition qu’on ne sait plus surfer, au contraire maintenant on a plus de pression, plus de juges, ma vision du surf est donc différente maintenant.  Je prends mon temps. Je me concentre sur ma glisse, sur mon style et sur les grosses manœuvres, alors qu’avant c’était sur des enchaînements. Il faut savoir que nous sommes des athlètes, on a fait de la compétition pendant des années. Ça ne se perd pas ça, ça reste en nous. Il faut s’entretenir. Combien de kilomètres on a ramé. C’est comme un bac plus 12 ans de surf, une ceinture noire, les étoiles sur le bras, le béret rouge comme à l’armée ou à la légion, avec le temps on monte en grade !

La Beven Académie est au top avec notamment Bixente champion du monde, va t’on te voir te lancer dans le MMA comme Richie Vaculik qui intègre l’UFC ?

En fait je pratique le jiu Jitsu  parce-que ça complète mon training surf, comme je disais avant l’entraînement est assez complet avec beaucoup d’exercices en équilibre, beaucoup de cardio et aussi un travail mental car on est un contre un. Ça te fait énormément réfléchir à comment sortir de telles ou telles situations, ça me fait un peu penser à une série en surf en fait. Il y a beaucoup de bon surfeurs qui viennent s’entraîner avec nous Bixente, Léo, Alain, Marco, Miky, Charly, Dimitri, Kelly Slater aussi, Michel Bourez, Caio Vaz, Adriano de Souza, Eric et d’autres que j’oublie. J’ai beaucoup de plaisir à pratiquer ce sport, d’ailleurs tous ceux qu’ils veulent essayer  sont les bienvenus chez mon frère à la Y.B.J.J.

 

 

On t’a vu proche de Jérémy Flores avec Ricardo Aruna à une époque, qu’est ce qu’un monstre du MMA comme lui apporte à un surfeur ?

D’abord c’est un très bon ami, ensuite il était souvent avec nous parce que mon frère l’entraînait et il ont toues les 2 le même maître, Carson Gracie. Nous avons plein d’amis combattants de jjb et de mma  qui aiment le surf comme nous et quelques fois dans l’année ils viennent surfer avec nous. Echanger des mélanges de techniques, que ça soit dans l’eau ou sur le tatami. Le maître de mon frère le premier, mais aussi José Marcello, Ricardo Arona, Marcus Almeida, Rodrigo Minotauro, Nogueira, Lucio Rodrigo et plein d’autres. Chaque surfeur trouve son complément, il y en a qui aiment la musique, d’autres le golf ou le skate, certains pratiquent la moto, mais chacun y trouve son compromis.

Comment vois-tu l’évolution du surf de haut niveau ?

Je pense que la nouvelle génération vise beaucoup le surf aérien, très peu de surfeurs aujourd’hui cherchent avoir un surf basique et solide ou alors un surf complet partout et dans toutes les vagues. Bien sûr c’est important de savoir faire des airs, mais je pense qu’il ne faut pas brûler les étapes et ne jamais oublier la base.

Aimerais-tu être le coach d’un pro du Dream Tour ?

J’ai entraîné Adriano cette année pendant trois semaines pour le Quik Pro. C’étais la première fois pour moi et ça a été une super expérience ! Ensuite on a échangé énormément de messages pendant le Pipe Master Hawaï, nous avons beaucoup parlé après chaque série, avant son titre de champion du monde. J’ai beaucoup regardé mon frère aussi car il entraîne toujours de très bons surfeurs.

Mot de la fin sur l’armada brésilienne, Adriano de Souza champion du monde énorme, comment s’explique leurs résultats ?

Au Brésil c’est très dur si tu veux être champion de surf il faut tout donner, s’accrocher, certains n’ont pas beaucoup de moyens donc la seule façon de s’en sortir c’est par là. Ils n’ont pas le choix , donc ils se lancent  à 120 % pour réussir leur but. Il n’y a pas d’aides du gouvernement. Si tu veux réussir dans quoi que ce soit, il faut vraiment s’accrocher avec les dents. En plus sur le littoral brésilien il y’a beaucoup de vagues différentes et il fait chaud toute l’année, le surf est donc très très pratiqué, de plus il y a des compétitions tous les week-end…

 

Une Interview de Johann Mouchel pour XLMag Objectif Landes

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